Violence du désir

Publié le par Maât-Saâhem



Dans les relations humaines, le désir a toujours deux faces :

1- Mon désir vers l'autre, caractérisé par le mouvement, la créativité, l'offrande :  j'ai envie d'être avec lui, de lui parler, de lui donner, de le connaître, de m'apporter à l'autre.

2- Mon désir sur l'autre, ou le désir du désir de l'autre : j'ai envie qu'il ait envie d'être avec moi, de m'écouter, de recevoir ce que j'apporte, de se laisser connaître, qu'il entre dans mon désir ; si je te désire, je désire que tu me désires.

Cette deuxième face du désir est la plus difficile à vivre car elle nous confrontera à nos limites. Lorsque le désir est frustré, il peut nous conduire aux exigences et aux aberrations relationnelles du type : "tu dois m'aimer", "tu ne peux pas me faire ça", "tu dois t'occuper de moi puisque j ene peux pas me passer de toi". 

Ce désir-là débouche sur la violence contre soi-même et contre l'autre. Car nous n'avons pas prise sur le désir de l'autre, nous n'avons que le pouvoir restreint de l'éveiller et de le stimuler (éventuellement). Le désir de l'autre lui appartient, il est spontané ou il n'est pas. Cette impuissance-là, quand nous découvrons nos limites sur le désir de l'autre, n'est jamais vraiment acceptée. Elle blesse les reliquats de notre toute-puissance perdue. Alors nous rencontrons notre refus profond, notre inacceptation intime d'être dépourvu de ce pouvoir... et c'est difficile à vivre, parfois insupportable à accepter.

Que devient un désir non satisfait ?
Extrait de "Du désir désirant à la violence du désir" - Jacques Salomé, in Nouvelles Clés n°27.

L'intolérance à la frustration a peut-être transformé un désir en vaine exigence (demandes répétées), en blessures profondes (mutisme, refus, repli sur soi), en obsession dévitalisante (pornographie...). Un désir non satisfait entraîne la plupart du temps l'accusation de l'autre ou de soi-même. 

Et après ? Va-t-il se renier, se refouler, s'éteindre, se réorienter vers d'autres objectifs ? Va-t-il demeurer vivant et blessé, ou vivant et créatif ? Tous les possibles existent. 

Certains ont tendance à renier leur désir aussitôt qu'il rencontre une réponse négative. Ils confondent le désir avec la réponse reçue : "je n'ai pas envie de l'épouser puisqu'il ne veut pas. Je ne peux pas avoir envie de me marier avec quelqu'un qui n'en a pas envie." ; "je n'ai pus envie de faire ce voyage, puisqu'elle m'a dit qu'elle n'aimait pas l'Italie !" ; "je n'ai plus envie de lui, depuis qu'il est allé avec une autre."
Ils ne respectent pas leur désir propre, ils l'orientent en focntion de la réponse de l'autre, lequel collabore parfois à cette négation : "tu ne devrais pas avoir envie de te marier avec moi puisque tu sais que je ne le veux pas".

Cette confusion entre le désir et la réponse est très généralisée. C'est une tactique d'évitement de la frustration, une protection contre la blessure d'une fin de non-recevoir : "plutôt refouler mon désir que de lui donner la forme d'une demande et risquer la blessure d'un non". Ce qu'il faut savoir, c'set que le désir a surtout besoin d'être entendu, reconnu par moi-même et par l'autre. Pour entendre mon désir propre, je dois le distinguer de la réponse supputée de l'autre, et de son éventuelle approbation ou désapprobation.

Aucun désir ne peut s'énoncer en termes de "si tu veux" ou "si tu es d'accord". Le vouloir ou l'accord de l'autre, c'est la réponse, ce n'est pas le désir. Dans un premier temps, oser reconnaître que j'ai un désir et qu'il est bien chez moi (ou un non-désir). Ensuite oser reconnaître le désir (ou le non-désir) de l'autre comme étant bien... chez l'autre. Cette démarche -séparer le désir de sa satisfaction- peut sembler aberrante. Tout se passe comme si la dynamique interne de certains désirs ne pouvait pas s'envisager sans être comblés !

Dans beaucoup de relations parentales (désir des parents sur l'enfant, désir de l'enfant sur les parents) comme dans de nombreuses relations affectives, un terrorisme relationnel violent ou subtil, parfois barbare, sévit surtout lorsque le désir est nié, par soi-même ou par l'autre, lorsqu'il n'est ni reconnu, ni énoncé.

Reconnaître le désir de l'autre ne signifie pas se sentir obligé de le satisfaire :

- Puis-je reconnaître que je désire avoiur un enfant si je sais que mon partenaire n'en veut pas et que mon désir le fera peut-être fuir ?

- Puis-je reconnaître que mon fils désire une présence que je ne peux lui donner, ou vais-je rejeter son désir en lui disant qu'il est trop dépendant ?

Le désir, protéiforme dans ses manifestations, mystérieux dans son éveil, et surtout évolutif, mobile, changeant, est le nerf de toutes les relations et de tous les projets, de tous les drames aussi. Son infinie variété et sa ténacité à renaître suscitent émerveillement ou angoisse, plaisir ou déplaisir, bien-être ou malaise. Il est toujours à l'origine de la créativité, du dépassement de soi. Le désir se déplace, s'engrange ou se transmute dans la création, il est le levier d'un nombre incroyable de miracles, littéraires, musicaux, picturaux ou simplement vitaux. Il peut-être aussi la source d'une souffrance répétée quand nous cherchons ou voulons l'imposer.



à lire...
"Une vie à se dire" - Jacques Salomé, éd. de L'Homme.




Livre des sagesses :

Faux désirs  /  Violence du désir  /  Bilan de vie  /  Test énergétique   /  Esprit critique  /  Se noyer dans un verre d'eau  /  Apprivoiser son dialogue interne


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Extraits du livre des questions "le jeu du Tao"
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Publié dans Jeu du Tao

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